Quelle immigration pour le Québec?
André Pratte
La ministre de l’Immigration du Québec, Kathleen Weil, a présenté jeudi le document de consultation qui servira de base à l’établissement des objectifs d’immigration de la province pour les trois prochaines années, 2012 à 2015. On sait que le Québec a accueilli récemment des nombres élevés d’immigrants, de 45 000 à 54 000 par an. Cela est arrivé alors même que la province était plongée dans des vifs débats sur la place de la religion et sur l’avenir du français.
L’an dernier, le Vérificateur général avait critiqué la politique d’immigration du gouvernement, déplorant le fait que le ministère «ne peut s’assurer que la province est capable de supporter les hausses progressives des volumes d’immigration». De plus, il y a quelques semaines, deux jeunes chercheurs ont jeté un pavé dans la mare en soutenant, dans un essai remarqué, que l’immigration n’est pas du tout le remède miracle (au vieillissement, à la pénurie de main-d’oeuvre) promu par certains.
Selon le document publié jeudi, le gouvernement prône de réduire légèrement le nombre d’immigrants accueillis chaque année, 50 000 plutôt que près de 55 000. De plus, Québec cherchera à diversifier la provenance des immigrants pour faire en sorte qu’aucun bassin d’immigration (lire «continent») ne dépasse plus de 30% des personnes reçues. L’an dernier, seule l’Afrique a dépassé ce seuil avec 36,8%, dont la moitié venaient du Maroc et de l’Algérie. Lors du point de presse de Mme Weil, les journalistes ont voulu savoir pourquoi le gouvernement souhaitait réduire le nombre d’Africains parmi les immigrants; la ministre a répondu par un charabia incompréhensible.
C’est d’ailleurs ce qui est le plus étonnant dans le document et les propos de la ministre, compte tenu des critiques du Vérificateur général: les raisons pour les changements proposés ne sont pas précisément expliquées. Pourquoi 50 000 plutôt que 55 000? Pourquoi pas 45 000? 60 000? On a l’impression que le ministère procède à tâtons.
Le gouvernement Charest souhaite continuer de faire en sorte que 65% des personnes admises au Québec connaissent le français et donner à ceux qui le souhaitent des moyens pour approfondir leur maîtrise de la langue. Enfin, on veut mieux arrimer les qualifications des personnes choisies aux compétences recherchées par les employeurs québécois.
L’importance de l’immigration pour le présent et l’avenir de la société québécoise mérite que le gouvernement documente de façon beaucoup plus complète les orientations qu’il privilégie. Notamment, il devrait présenter à la population plusieurs scénarios et documenter les effets de chacun; d’ailleurs, à ma connaissance, c’est l’approche qu’il avait privilégiée dans le passé.
Souhaitons que beaucoup de gens, notamment les experts dans le domaine de l’immigration et de la démographie, participent à cette consultation et poussent le ministère de l’Immigration à s’expliquer davantage. Pour ma part, je suis favorable à un niveau élevé d’immigration. Je crois que celle-ci assurera au Québec un dynamisme culturel, social et économique beaucoup plus grand que si nous nous recroquevillons entre «nous». Cependant je conçois que ce sujet soit délicat, qu’il existe toutes sortes de craintes. Ce n’est pas en camouflant les décisions et en minimisant les problèmes, tactique apparemment choisie par Mme Weil, qu’on convaincra les adversaires ou les sceptiques de l’immigration.

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